Axe 2 : approches moléculaires et bio-inspirées

Animateurs : Guillaume IZZET (Institut Parisien de Chimie Moléculaire, Sorbonne Université) et Julien BONIN (Laboratoire d’Électrochimie Moléculaire, Université de Paris)

Thématiques de l’Axe 2

Les efforts en chimie moléculaire dans le domaine ont par le passé essentiellement consisté à reproduire les étapes de capture de la lumière et de séparation de charges, d’une part, et de catalyse multi-électronique (production d’hydrogène, réduction de CO2, oxydation de l’eau en oxygène) en évitant le recours aux métaux nobles d’autre part. On voit se développer depuis une dizaine d’années des dispositifs supramoléculaires combinant les fonctions de capture de lumière, de séparation de charges et de catalyse. Ils comprennent généralement un donneur ou un accepteur sacrificiel d’électrons, un photosensibilisateur (PS) et un catalyseur. La tendance actuelle vise à interfacer ces dispositifs moléculaires sur des matériaux conducteurs de manière à obtenir des électrodes ou des photo-électrodes intégrables dans des électrolyseurs et/ou des cellules photo-électrochimiques.

Programme de recherche

Les approches moléculaires et bio-inspirées visant à la production des carburants solaires se déclinent en plusieurs sous-axes :

La conception de nouveaux électrocatalyseurs inspirés du fonctionnement de certaines métallozenzymes de la chaîne photosynthétique. Parce qu’il contient l’information structurale clé issue de notre connaissance du site actif de l’enzyme, ce catalyseur bio-inspiré va en reproduire l’activité mais en réduisant à la fois la complexité et la sensibilité aux conditions réactionnelles. De tels catalyseurs présentent de nombreux avantages. Faciles à synthétiser et peu couteux à produire à grande échelle car ils ne renferment généralement pas de métaux nobles ou d’éléments rares, ils peuvent, contrairement aux enzymes dont ils s’inspirent, être utilisés dans de nombreux solvants organiques ou même dans l’eau pour certains et dans une grande gamme de température ou de pression. Ils sont également moins sensibles à l’oxydation par l’oxygène de l’air. Les réactions visées ici sont les activations multiélectroniques de l’eau (à la fois en réduction pour la production d’hydrogène et en oxydation pour dégager l’oxygène), la réduction du CO2 et dans une moindre mesure l’activation du diazote pour la production de carburants azotés (ammoniac, hydrazine…).

L’exploitation des complexes organométalliques ou de coordination pour comprendre comment activer et réduire le dioxyde de carbone et le transformer en carburants ou autres molécules à haute valeur ajoutée. Cette approche est complémentaire à l’approche bio-inspirée suscitée pour appréhender les facteurs électroniques et structuraux nécessaires à l’activation de ce substrat hautement inerte. De même, les sites actifs des hydrogénases étant intrinsèquement de nature organométallique, l’étude détaillée de complexes hydrures fait sens quand il s’agit de détailler les mécanismes catalytiques en œuvre dans le processus de production d’hydrogène.

Le développement de systèmes moléculaires photocatalytiques. En combinant photosensibilisateurs, catalyseurs, et éventuellement modules de stockage électronique, cette approche de photosynthèse artificielle vise essentiellement à coupler oxydation de l’eau à la production d’hydrogène à partir d’eau ou à la réduction du dioxyde de carbone en molécules organiques tout en n’utilisant que des éléments abondants de la croute terrestre. L’appareil photosynthétique est l’exemple type d’un système intégré au sein duquel interviennent différentes fonctions telle que la capture de la lumière, sa transformation en potentiel électrochimique via la génération d’un état de séparation de charges de longue durée de vie, processus clé permettant l’activation de l’eau ou du CO2 par les enzymes. Aussi, le développement de systèmes artificiels mimant des étapes clefs tels que le transfert d’électrons couplés au transfert de protons, la photo-accumulation de charges et le schéma en Z de la photosynthèse oxygénique apporteront des informations cruciales sur les règles d’ingénierie moléculaire pour intégrer ces fonctions pour fabriquer dans l’avenir des dispositifs plus performants. Afin d’atteindre des rendements situés au minimum de 10%, ces derniers devront s’affranchir de l’utilisation d’agents sacrificiels et utiliser une plage plus étendue du spectre solaire. Ces exigences incontournables donnent un crédit important à la conception de systèmes tandem qui intègreront plusieurs photo-absorbeurs.

La mise en forme de ces systèmes moléculaires (photo)catalytiques via l’élaboration de (photo)électrodes. La conception de systèmes hybrides (en lien avec l’axe 1) intégrant un catalyseur ou un photocatalyseur greffé à la surface d’un substrat d’électrode conducteur ou semi-conducteur s’avère une approche très prometteuse. Ces substrats peuvent être des matériaux carbonés à forte surface spécifiques ou des oxydes métalliques conducteurs  pour ce qui concerne la construction d’électrodes ou des semi-conducteurs inorganiques (Si, GaP ; InP…), des oxydes métalliques semi-conducteurs (TiO2, NiO, Cu2O, Fe2O3…), des sulfures métalliques (CdS, CuInS2..) ou encore des matériaux organiques comme les nitrures de carbone. Notamment, la fabrication de photoélectrodes poreuses à l’aide de ces matériaux permet de combiner de manière synergique les propriétés des composés moléculaires et des matériaux inorganiques.

Le programme de travail de cet axe consistera d’une part à développer chacun de ces sous-axes, fortement interdépendants,  mais également à les mettre en résonnance  avec les autres axes du GDR. En effet, outre la découverte de nouveaux systèmes, il s’agira de développer, grâce aux apports de la simulation (axe 4) et des techniques de caractérisation avancées (axe 6), une meilleure compréhension des processus fondamentaux tels que la catalyse multi-électronique (réduction du CO2 ou de l’azote, oxydation de l’eau, production d’hydrogène…), le transfert d’électrons couplé au transfert de protons et les mécanismes de transfert d’énergie ou d’électrons photo-induits. En outre l’implémentation de systèmes moléculaires au sein de dispositifs technologiques nécessite à la fois le développement de  procédés innovants (axe 5) et leur intégration par greffage sur (ou encapsulation dans) des matériaux d’électrodes ou de photoélectrodes. Ceci ne peut se faire que grâce au développement de substrats d’électrodes ou de photoélectrodes adaptés (axe 1) et des outils des nanosciences. D’autres systèmes hybrides sont seront développés en combinant (en lien avec l’axe 3) des systèmes naturels (enzymes ou photosystèmes par exemple) et des systèmes synthétiques.